Frédéric Beigbeder
"L'amour dure 3 ans"
Frédéric
Beigbeder : L'amour
dure trois ans
Superamour
a demandé à l'un des écrivains les plus désespérés
de sa génération de nous expliquer pourquoi trop de couples
battent de l'aile. Romancier (Son prochain bouquin sort chez Grasset à
la rentrée), chroniqueur littéraire pour Voici et
sur Paris Première, Beigbeder cultive un dandysme décadent,
un mélange de Bukowski et de Burton. Notre Proust des Bains Douches
a forgé une théorie : L'amour dure trois ans. Au-delà,
impossible ! Explications avec un forcené de la règle de
trois.
L'amour,
c'est du pipo ?
Non
car comme disait l'autre, la vie ne vaut pas la peine d'être vécue
sans amour. Mais attention, amour ne rime pas avec bonheur. La société
nous lave le cerveau au karcher et tente de nous imposer un modèle
" Belle au bois dormant Prince charmant "sans rapport avec la réalité.
Et on plonge. On brandit la libération sexuelle mais on s'empresse
d'aller se réfugier bien au chaud sous sa couette : mec, mariage,
appart'. Bref, Lion sur papier glacé des magazines, mouton en réalité.
Casanova en public, Michel blanc à la maison.
On
nage en pleine schizophrénie alors ?
Bien
sûr ! Au départ, la société a inventé
la fidélité pour tenir les gens tranquilles. La religion
notamment redoutait l'amour et ses conséquences imprévisibles.
Aujourd'hui, la pub nous bombarde : Il faudrait changer toutes les demi-heures
d'ordinateurs, de bagnoles, de décos… mais pas de nanas ? On vit
dans la société du zapping : les industriels savent mesurer
la déception et l'obsolescence. En même temps, on nous dit
rester ensemble ad vitam.
Mais
où est la vérité et surtout le bonheur dans l'éphémère
ou le durable ?
L'aspiration
à la nouveauté l'emporte de beaucoup. Elle séduit
avec une force irrésistible. Les relations amoureuses en seront
fatalement transformées. Cela n'est pas une bonne nouvelle.
Donc
l'amour est impossible ?
L'amour
est possible pendant deux ans, et puis on met du temps pour se décider…En
tout disons trois ans. En même temps, Casanova disait " la nouveauté
tyran de mon âme ". Il changeait tous les jours, moi tous les trois
ans. Pas plus. Au-delà, l'habitude s'installe et chacun enfile ses
charentaises.
Vous
portez quoi aux pieds ?
Pas
de pantoufles. Mais je suis lucide. Ce qui n'est guère confortable…
Vous
avez été déçu vous !
J'ai
tenté de suivre le modèle poli, propre sur lui, gants blancs,
poignée de riz à la sortie de l'Eglise. Le succès
fut des plus mitigé. Il ne faut pas regretter d'être seuls.
Les solitaires sont parfois désespérés mais ils sortent
souvent et rencontrent du monde. Finalement, ils sont libres et heureux,
même si leur bonheur passe par des phases de doute… En couple, on
étouffe, on se flique, on se restreint. Pour moi, l'amour doit faire
vibrer. Je dois sûrement être un ado attardé… Enfin…
fier de l'être si mûrir, c'est regarder à deux la télé.
Dans Nouvelles sous ecstasy je différenciais célibat dépressif
et mariage ennuyeux. Reste à trouver un compromis.
Misogyne
le copain d'Ardisson ?
Non
mais c'est vrai que j'ai rencontré jusqu'ici trois types de femmes.
Les nympho qui profitent et qui s'amusent. Les oiseaux mazoutés
traumatisées par des salauds et qui refusent de faire confiance
aux hommes. Enfin, les maquées-coincées. Mais je ne vous
jette pas la pierre. C'est dur d'être une femme aujourd'hui. Elles
en prennent plein la tête : à leur place, je n'aurais pas
envié la routine métro, boulot, dodo des hommes.
Elles
auraient dû rester à la maison pour chouchouter leur chéri
pendant trois ans ?
Comme
je n'ai pas le courage de me dire que c'est moi le problème, je
me dis que c'est la société. Sincèrement, il y a un
problème.
Les
filles qui vous ont croisé doivent avoir leur idée sur la
question… Stop ! la société
n'est pas clean non plus. Elle pousse à un de drôle modèle.
Les femmes veulent être égales aux hommes. Mais chacun ne
veut pas la même chose. Malcolm de Chazal disait " l'homme veut la
lune, la femme est plus modeste, elle ne veut que l'homme ".
Que
c'est bô ! On dirait du Claire Chazal !
Vous
savez mieux que moi mademoiselle l'ironique que les hommes veulent conquérir
le royaume, les femmes s'installer dans le château. Le rôle
du romancier n'est pas d'écrire un guide pratique pour aimer. Je
me sers de mon expérience minable pour la communiquer, j'en tire
la conclusion qu'il y a une incompréhension totale entre hommes
et femmes.
Célibataire
en ce moment ?
Non
j'essaie de concilier l'inconciliable, je suis avec quelqu'un …
Depuis
deux ans et 11 mois ?
Non
5 ans !
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